AUX SOURCES DU NATURISME
une histoire philosophique à partager
[/et_pb_text][et_pb_text _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]SOMMAIRE
[/et_pb_text][et_pb_text _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » custom_padding= »0px||||| » global_colors_info= »{} »]- Introduction : DANS LE MONDE PRÉ-CHRÉTIEN
- C’EST TOUJOURS LA PENSÉE QUI GUIDE L’ACTION
- LE NATURISME ENTRE DEUX GRANDES FAMILLES DE PENSÉE – Idéalisme et matérialisme
- HÉDONISME ET EUDÉMONISME
- Démocrite d’Abdère
- Cyrénaïques et Cyniques
- Épicurisme
- STOÏCISME
- Zénon de Kition
- SCEPTICISME
- Pyrrhon d’Élis
- LES SADHU DIGAMBARA DU JAÏNISME
- HIPPOCRATE – THERMALISME ANTIQUE ET ÉDUCATION PHYSIQUE
- Hippocrate
- Thermalisme antique
- Activités physiques et sportives dans l’Antiquité gréco-latine
- Le gymnase
- Les jeux d’Olympiques
- L’INTERDIT VISUEL DES « PARTIES HONTEUSES »
- L’Ancien Testament et la doctrine de Paul
- Le péché originel chez Saint Augustin
- DU GNOSTICISME AU PROTESTANTISME
- Le Gnosticisme
- Des Gnostiques hédonistes et « licencieux »
- Simon Le Magicien et la Grâce
- Carpocrate et l’amour
- Épiphane et le désir impérieux
- Les Adamiens
- Franciscanisme et mouvements liés
- Le Joachimisme au XIIIe siècle
- François d’Assise
- Les Fraticelles (Fraticelli – « Petits Frères »)
- Les Apostoliques et le dolcinisme
- Libre-Esprit et Adamites
- Adamites et picards
- Concile de trente – Les mœurs catholiques sous la contrainte
- De la RENAISSANCE AUX LUMIÈRES RADICALES
- La libre pensée
- Les Lumières radicales
- La Mettrie
- Helvétius
- Le sensualisme
- Les premiers naturistes
- LES TEMPS RÉVOLUTIONNAIRES
- Nicolas de Condorcet
- Les dégâts du libéralisme
- John Stuart Mill
- ANARCHISME ET COMMUNISME D’ASSEMBLÉE
- L’anarcho-naturisme
- Henry David Thoreau
- Élisée Reclus
- Le nudisme révolutionnaire
- L’anarchisme chrétien
- Les Doukhobors
- L’anarcho-naturisme
- LEBENSREFORM ET HYGIÉNISME
- La Naturphilosophie
- La Lebensreform
- L’alimentation
- Les hygiénistes
- Le mouvement hygiéniste en France
- FRIEDRICH WILHEM NIETZSCHE
- RÉVOLUTION RUSSE ET NUDISTES RADICAUX
- COMMUNISME ET NATURISME EN FRANCE
- Maurice Fuszka « Communisme et naturisme » – 1932
- De l’éducation populaire à l’école Moderne de Vence des époux Freinet
- MOUVEMENTS D’ÉMANCIPATION ET NATURISME
- Féminisme et éco-féminisme
- Mouvements Gay
- CONTRE-CULTURE ET RÉVOLUTION DES MOEURS
- Le mouvement Hippie
- Rainebow Gathering – Quand la nudité se fait amour de la vie
- ÉCOLOGIE ET NATURISME
- QUELQUES DATES CLEFS DU NATURISME CONTEMPORAIN
INTRODUCTION
DANS LE MONDE PRÉ-CHRÉTIEN
Sur le plan du rapport au corps, l’idée qui domine depuis 2000 ans dans la civilisation occidentale, est que la nudité peut être assimilée sur le plan de la symbolique à «un état présocial ou degré zéro de la culture (le sauvage ou le barbare), par opposition à l’habillement symbolisant un état de culture et une marque d’appartenance à la communauté ». (Pierre Cordier – Les nudités romaines, un problème d’histoire et d’anthropologie).
Marc-Alain Descamps dans son livre Vivre nu (1987), considère que « Les mouvements nudistes ont été créés par le christianisme. Avant lui il n’existait ni interdiction ni proscription du nu dans toute l’antiquité, que ce soit chez les Celtes, les Grecs, les Romains ou les Germains, donc personne ne cherchait à le défendre ». En outre, dans les sociétés où la nudité n’est pas réprimée, il n’y a sans doute pas d’intérêt à vouloir se regrouper pour la défendre.
« Sème nu, moissonne nu, laboure nu, si tu veux achever en leur temps tous les travaux de Demeter afin que pour toi chacun de ses fruits croisse aussi en son temps, et que tu n’aies pas plus tard, indigent, à mendier à la porte d’autrui » – Hésiode / Les Travaux et les Jours
Ainsi, dans l’Égypte Antique, la nudité était la norme pour les classes modestes constituées par les domestiques, les esclaves et les artistes (musiciens, danseurs, acrobates). Les enfants restaient nus jusqu’à la puberté, quel que soit leur milieu social.
Les classes moyennes et supérieures portaient des vêtements en lin (pagnes, tuniques et robes), le seul textile utilisé alors. Ces vêtements étaient de plus en plus fins selon l’élévation sociale de la personne, les vêtements des nobles pouvant être totalement transparents, y compris ceux du Pharaon, de son épouse et leur entourage. Le kalasiris, une robe extrêmement fine portée par les femmes, en est un exemple.
Des inscriptions sur des tablettes d’argile retrouvées à Armana attestent que le pharaon Akhenaton, son épouse Néfertiti et leurs enfants restaient couramment nus à l’intérieur du palais royal et dans les jardins : ils attribuaient à la nudité une valeur spirituelle importante et des bienfaits pour leur santé. Les personnages officiels, l’entourage de la famille royale ainsi que leurs serviteurs, pouvaient faire de même. Cette coutume a été successivement supprimée et réhabilitée par les différentes familles royales.
Mais d’autres cultures Antiques considéraient les coutumes égyptiennes comme « humiliantes », en attestent des bas-reliefs ou des textes de l’époque, par exemple ce passage de la Bible hébraïque :
« Ainsi le Roi d’Assyrie emmènera d’Égypte et de Chus prisonniers et captifs les jeunes et les vieux, les nus et les déchaussés, fesses découvertes, ce qui sera l’opprobre de Égypte ».
La découverte par Christophe Colomb des Amériques permet aussi la rencontre avec de nombreux peuples qui « vivent complètements nus ». Voici la description des Taïnos, faite par Christophe Colomb :
« Tous vont nus comme leur mère les a mis au monde, les femmes également, quoique je n’en eusse vu qu’une seule, fort jeunette ; et tous ceux que je vis étaient tous jeunes, de sorte que je n’en vis aucun âgé de plus de trente ans, très bien faits, avec des corps harmonieux et de très beaux visages, les cheveux presque aussi épais que les crins de la queue des chevaux et courts. Ils portent les cheveux sur les sourcils, sauf quelques mèches qu’ils portent longues derrière et jamais ne coupent. Certains se peignent de brun, d’autres sont de la couleur des Canariens, ni noirs ni blancs, d’autres se peignent de blanc, d’autres de rouge, d’autres de ce qu’ils trouvent ; certains se peignent le visage, d’autres le corps, d’autres seulement les yeux. [….] Tous semblablement sont de bonne taille, ont de beaux traits et sont bien faits [….] Ils ont les jambes très droites, tous semblablement et le ventre non point gros mais très bien proportionné » (Christophe Colomb, Journal de bord. Octobre 1492).
Ohlone Indians in a Tule Boat in the San Francisco Bay 1822, by Louis Choris
Ronsard écrit aussi que le peuple des Amériques découvert par Villegaignon…
« Erre innocemment tout farouche et tout nu
D’habit tout aussi nu qu’il est nu de malice,
Qui ne connaît les noms de vertu et de vice,
Mais suivant sa nature et seul maître de soi,
Soi-même est sa Loy, son Sénat et son Roy »
(Vespucci) Das sind die neue gefunden menschen oder volker In form und gestalt
Als sie hie stend durch den Christenlichen König von Portugall, gar wunderlich erfunden
Cette curieuse composition illustre un passage dans lequel Vespucci évoque une rencontre avec des « sauvages » de très grande taille. Il décrit ainsi cette population, d’une manière générale (Premiers regards sur les sauvages (XVIe siècle) – Jean-Paul Duviols – p. 13-25) :
« Tous, de l’un ou l’autre sexe vont tout nus. Ils ne se couvrent aucune partie du corps et ils vont ainsi tels qu’ils sont sortis du ventre de leur mère, jusqu’à leur mort. Ils ont des corps de grande dimension, musclés, très robustes et bien proportionnés et d’une couleur qui tire sur le rouge, ce qui est je crois la conséquence d’aller tout nus, car ils sont teints par le soleil. Leurs cheveux sont abondants et noirs. Ils sont agiles dans leur démarche et dans leurs jeux. Leurs visages sont francs et beaux, mais ils les ravagent eux-mêmes en se perforant les joues, les lèvres, les narines et les oreilles. »
Ils vivent selon la nature et ils peuvent se dire épicuriens plutôt que stoïciens.
« Quant aux femmes, bien qu’elles aillent toutes nues et qu’elles soient lubriques, elles n’ont aucun défaut dans leurs corps qui sont beaux et propres et elles ne sont pas si grossières qu’on pourrait supposer, car bien qu’elles soient plantureuses, leur partie laide n’est pas apparente, car elle est cachée chez la plupart par leur belle stature. Il est une chose qui nous a paru miraculeuse et c’est que parmi elles aucune n’avait les seins pendants et quand elles avaient accouché, la forme et la fermeté de leur ventre ne les distinguaient en rien des vierges et il en allait de même pour les autres parties du corps que l’honnêteté m’empêche de nommer » (Amerigo Vespucci, Mundus Novus (« Nature et Mœurs de ces peuples »).
« Les hommes et les femmes de ce pays sont aussi bien faits que ceux du nôtre, seulement le soleil leur a donné une teinte brune. Ils vont absolument nus et ne se cachent même pas les parties honteuses. Ils se peignent le corps de diverses couleurs et n’ont pas de barbe car ils se l’arrachent avec soin. Ils se percent les lèvres et les oreilles et ils y mettent des pierres comme ornements. Ils se parent aussi avec des plumes ». (Hans Staden, Nus, féroces et anthropophages, 1re édition 1557).
La nudité en public était également très courante au Japon jusqu’à la Restauration de Meiji (3 janvier 1868), marquée par une politique d’ouverture sur le monde occidental et le début de l’industrialisation du pays. Les américains imposent en effet, le 31 mars 1854, la Convention de Kanagawa qui marque le début du colonialisme occidental sur le Japon. Il faut dire que cette convention a été obtenue dans la crainte de représailles américaines, via la menace constituée par la flotte du Commodore Mattew Perry, envoyée par le Président des Etats-Unis Milliard Fillmore.
L’interprète du Commodore, le révérend S. Well Williams, avait écrit à propos de la nudité publique :
« la pudeur, à en croire ce que nous voyons, semble ici inconnue : les femmes ne cherchent pas à cacher leurs seins ou leurs cuisses, tandis que les hommes utilisent parfois un unique morceau de tissu, mis en place avec négligence. On peut voir des hommes nus et des femmes nues parcourant les rues librement et fréquenter les mêmes établissements pour faire leur toilette, sans distinction de sexe, sans pudeur. Ces pratiques obscènes démontrent l’attrait de ce peuple pour le vice, à un degré qui répugnerait n’importe qui ».
Pour ce qui concerne l’Afrique, les récits et les images ne manquent pas pour attester de la normalité de cette nudité, notamment en zone subsaharienne.
groupe de Surma (Éthiopie)– source : http://papou-net.over-blog.com/article-ethiopie-63896949.html
Malgré la colonisation et la christianisation du continent africain, plusieurs peuples ont su résister à la pression culturelle occidentale qui obligeait au rhabillage, notamment de ce que les conquérants qualifiaient de « parties honteuses ».
L’écrivain Jacques Soubrier (né le 20 mai 1909 et mort le 16 octobre 1965, est un explorateur, voyageur et écrivain français) auteur de romans pour les jeunes et de récits voyages, raconte ainsi sa rencontre avec les tribus Lobis les jours de marché à Gaoua lors d’un périple africain :
« Les femmes n’ont pour tout costume que la ceinture de ficelles, en brin de « bemwos », dont les extrémités leur pendent jusqu’aux genoux. Les femmes mariées portent, en outre, comme chez les Bobos, deux bouquets de feuilles, qu’elles s’appliquent avec beaucoup de pudeur lorsqu’elles se baissent. La plupart ont les lèvres déformées par l’affreux labret de quartz, de fer, d’os ou de bois, et des scarifications en étoile leur ornent le nombril. Leurs traits sont en général assez fins et l’habitude, commune à toutes les femmes noires, de porter les fardeaux sur la tête donne à leur démarche et à leur port l’élégance et la noblesse que l’on remarque, pour la même raison, chez nos Arlésiennes. Chez les Lobis, le coin des « Yona », femmes. – La rencontre avec la nudité – partielle ou totale – de certains groupes africains surprend les occidentaux de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Particulièrement celle des femmes, qui n’est pas coutumière dans l’Europe d’alors. »
http://webdoc.rfi.fr/blaise-diagne-grande-guerre-1914-1918-france-tirailleurs-afrique/chapitre-3/
NOUBA, SOUDAN, ETHNOGRAPHIE, ANAKO, DUBOIS Fotographie : Leni Riefenstahl – Les Noubas de Kau & Black
Ladies – 2001
« Les Noubas ont été objets d’une incroyable fascination lorsqu’ils furent révélés au monde dans les années 70 par les photographies de la cinéaste allemande Leni Riefenstahl. Deux explorateurs Suisse, Pierre et Eliane Dubois, sont partis explorer les monts Kordofan du Soudan. Ils y ont réalisé le premier grand film documentaire jamais tourné sur ce peuple, à la fois mystérieux et fascinant de beauté. Ils y ont découvert des rituels étonnants de fécondité, d’initiation ou de séduction, d’impressionnantes luttes aux bracelets tranchants, des confrontations rituelles en villages voisins, des cérémonies qui vouent un véritable culte à la beauté des femmes et des hommes » (NOUBA, UNE MÉMOIRE AFRICAINE – un témoignage exceptionnel sur les Nouba de Kau au Soudan).
Aujourd’hui encore, subsistent quelques « peuples nus », ou pour lesquels la nudité n’est pas un tabou : Mashco-Piro – Ayoreo – Carabayo – Korubo – Wayampi – Zo’é – Waorani – Yanomami (Amériques) ; Malabri – Sentinelle – Jarawa (Asie) ; Tribus néo-guinéennes en Océanie ; Peuples de culture traditionnelle de la vallée de l’Omo (Hamers, Mursis, Turkanas, Karos, Surmas, Nyangatom, Karo, etc.) – Nuba (Afrique) …
LA NUDITÉ ENTRE NATURE ET CULTURE – corps libre versus bonnes mœurs civilisatrices ?
Cette conception de Pierre Cordier est aussi ce que tend à démontrer Norbert Élias – sociologue, dans La Civilisation des Mœurs (1973) et La Dynamique de l’Occident. Le premier ouvrage analyse le processus séculaire de maîtrise des instincts, de domestication des pulsions humaines les plus profondes (il emprunte ainsi beaucoup à Sigmund Freud et à la psychanalyse). Pour André Burguière, dans « Entre sociologie et anthropologie, la société des mœurs en procès », préface de l’ouvrage « Nudité et Pudeur – Le mythe du processus de civilisation » d’Hans Peter Duerr, « ce qu’Elias conçoit comme un processus de civilisation, qu’Ariès ou Foucault analysent comme une transformation mentale et que les historiens des Annales nomment changement social, est un processus, à la fois constructif et répressifs, qui transforme de l’intérieur la société par l’incorporation de normes de comportements entravant le pulsionnel au profit de conduites stratégiques et anticipatrices. La pacification et la cohésion renforcée des rapports sociaux ne reposent pas simplement sur la cohérence interne, l’efficacité intellectuelle des nouvelles règles ainsi acceptées, mais sur un soubassement plus opaque d’angoisse refoulée ; une angoisse qui affleure dans le sentiment de pudeur logé depuis la Renaissance au cœur de la gestuelle et des manières de se présenter aux autres ».
- P. Duerr considère que N. Élias mélange iconographie symbolique et réalité objective des modes de vie, considérant que même dans la Grèce Antique, les représentations artistiques retrouvées relèvent plus de la métaphore onirique et de l’ordre symbolique que de la réalité objective. Elias considère que le fait de vivre nu et en public signifie une absence de pudeur, ce qu’une étude plus fine de certaines sociétés « archaïques » (pour reprendre la terminologie éliasienne) ne tarde pas à infirmer (le Japon du XIXe siècle par exemple où la mode des bains publics mixtes n’empêchait pas un comportement par ailleurs marqué du sceau d’une pudeur élémentaire).
Pour lui, le cœur de la théorie d’Elias est fondamentalement erroné, d’abord parce que tout n’est pas construction sociale : il existe des invariants anthropologiques qu’Elias ne prend absolument pas en compte. Pour Duerr, le sens de la pudeur n’est pas une invention de la Renaissance mais une disposition humaine élémentaire que l’on retrouve dans toutes les sociétés et à toutes les époques. Tout ne peut donc être historicisé ou sociologisé, d’après Duerr. Ensuite, l’anthropologue affirme que les règles de pudeur ne sont consignées par écrit qu’au XVIe siècle, dans un but normatif. Il ne s’agit pas là de réfréner les pulsions, mais simplement de mettre en œuvre une modification du contrôle social qui est alors exercé par certaines institutions et non plus par le groupe d’appartenance. Enfin, son dernier reproche concerne l’ethnocentrisme de la théorie de Norbert Elias ainsi que son « évolutionnisme ». Duerr rejette en bloc la vision de l’archaïsme supposé des peuples « primitifs », comme les appelle Élias, vision sommaire et naïve selon lui (sous-estimation des règles de pudeur chez ces peuples).
Pour Élias, le rapport colonial reproduit à l’échelle planétaire ce modèle de civilisation, mais dans un rapport de domination qui s’est établi entre l’Europe et les civilisations non européennes.
Selon A. Burguière, « c’est précisément cette historicisation du code de comportement corporel que récuse Hans Peter Duerr. Pour lui, les hypothèses de Norbert Élias pèchent avant tout par européocentrisme et par une conception trop unitaire de la civilisation, héritée directement de l’idéologie des Lumières. Il oppose à la sociologie historique d’Élias un point de vue radicalement anthropologique, postulant l’existence d’un fonds culturel commun à toutes les sociétés, à toutes les époques, qui incite à rompre avec l’animalité par la dissimulation de la nudité et des fonctions naturelles. »
Mais à toutes fins utiles, la question serait peut-être de penser à ré-articuler ce qui relève de l’état de « nature » et de celui de « culture ». Ce que le mouvement naturiste a su démontrer, comme encore aujourd’hui de nombreux peuples nus, c’est précisément qu’il n’y a pas lieu d’opposer ces deux notions, qu’un harmonieux équilibre peut être réaliser afin de construire un bonheur commun.
[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][et_pb_row _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][et_pb_column type= »4_4″ _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][et_pb_text _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]AU FIL DES ÉVOLUTIONS DE LA PENSÉE HUMAINE
[/et_pb_text][et_pb_accordion _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »][et_pb_accordion_item title= »AVANT-PROPOS » open= »on » _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} »]Le naturisme se définit aujourd’hui comme « une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité en commun, et qui a pour conséquence de favoriser le respect de soi-même, le respect des autres et de l’environnement » (définition internationale, retenue en 1974 par la Fédération Internationale de Naturisme, et mise à jour en 2009).
Le naturisme est une philosophie que l’on vit et non une activité que l’on pratique. On EST naturiste parce que l’on adhère à cette forme de pensée, en partie ou à fond, chacun selon ce qui constitue son idée du bonheur.
On PRATIQUE la nudité (nudisme) car elle constitue aujourd’hui la pierre angulaire de notre art de vivre et en synthétise ses valeurs, ainsi que son essence. Elle en est le symbole.
Cette nudité vécue simplement et sereinement, permet de se ressourcer physiquement, physiologiquement et psychologiquement, en activant les principes hygiénistes de la médecine hippocratique. Plus encore aujourd’hui, la nudité en commun permet aussi de dépasser toutes les formes de body-shaming (honte du corps), de combattre la nudophobie (rejet/haine « culturelle » de la nudité), ou de traiter la gymnophobie (pathologie psychiatrique).
Si l’aspect le plus visible reste, bien sûr, le modus vivendi de la nudité, le naturisme d’aujourd’hui participe aussi, des mouvements de libération et d’émancipation, notamment vis à vis des courants de pensée idéalistes, en particulier théistes / monothéistes, qui l’ont toujours combattu. Il participe pleinement de la mise en œuvre des valeurs humanistes et républicaines inscrites dans la culture française, de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.
Il milite aussi pour un mode de vie plus simple et naturel, plus respectueux de la nature dans toutes ses composantes. Le naturisme, est donc porteur d’un projet écologique, d’où ses liens privilégiés avec France Nature Environnement.
La perception qu’en ont pourtant encore nos concitoyens est pour l’essentiel liée à la façon de vivre ses loisirs ou de prendre des vacances, notamment dans le cadre d’une société néolibérale (au sens économique), où l’offre liée à cette spécificité peut être considérée comme un produit… une marchandise comme une autre. Certes, l’essor de la société de consommation, le développement du temps libre et du tourisme à partir de la deuxième moitié du XXe siècle pourraient donner l’illusion de ce tropisme. Mais ce serait oublier que le naturisme s’inscrit dans un continuum de la pensée humaine, occidentale et orientale, au sein d’une famille philosophique qui s’est construite au fil des ans, depuis l’Antiquité, pour constituer aujourd’hui un ensemble qui appartient à ce que Michel Onfray appelle « la constellation hédoniste et Eudémoniste » (dans Contre-histoire de la philosophie).
[/et_pb_accordion_item][et_pb_accordion_item title= »I. C’EST TOUJOURS LA PENSÉE QUI GUIDE L’ACTION. » _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} » open= »off »]L’histoire du naturisme est souvent racontée sous le prisme des éléments factuels, rentrant dans les cases « nudisme » ou « naturisme » et, pour l’essentiel, dans le sens qu’on lui donne à notre époque. Mais pour comprendre ce qu’est le naturisme et éviter les pièges, il convient d’en rechercher son essence même, puisqu’il s’agit d’un art de vivre, d’une éthique et d’un ensemble de valeurs.
Pour bien saisir ce qu’est véritablement le naturisme et éviter les pièges, les lieux communs, il convient donc d’en rechercher l’essence même. Il nous faut revenir aux origines de cette forme de pensée, pour en comprendre la dynamique, ses sources d’inspiration et ce qui a bien pu motiver des personnes à braver les interdits, les tabous et la société, au point d’en perdre parfois la vie… Comme ce fut le cas de Jeanne Daubenton, brûlée vive par l’Inquisition en 1372 à Paris, sur la place de Grève.
Quelles sont ces sources qui constituent le « génome », en quelque sorte, du mouvement naturiste contemporain ? Pour le savoir, il convient de s’intéresser à l’histoire des philosophies et de comprendre les influences que celles-ci ont pu exercer les unes sur les autres.
L’exceptionnelle « cartographie » réalisée par Simon Raper, nous montre les liens qui relient les différents courants de cette histoire. En effet, rien ne naît spontanément du néant en la matière. Les changements s’opèrent par apport de couches successives et par sédimentation.
https://merlinccc.org/wp-content/uploads/2014/06/History-of-Philosophy.png
À voir cette énorme « nébuleuse » constituée d’autant d’étoiles qu’il existe de philosophes, on se sent un peu perdu et on se demande bien par quel bout commencer notre enquête.
Marc-Alain Descamps dans son livre Vivre nu (1987), considère que « Les mouvements nudistes ont été créés par le christianisme. Avant lui il n’existait ni interdiction ni proscription du nu dans toute l’antiquité, que ce soit chez les Celtes, les Grecs, les Romains ou les Germains, donc personne ne cherchait à le défendre ». En outre, dans les sociétés où la nudité n’est pas réprimée, il n’y a sans doute pas d’intérêt à vouloir se regrouper pour la défendre.
« Sème nu, moissonne nu, laboure nu, si tu veux achever en leur temps tous les travaux de Demeter afin que pour toi chacun de ses fruits croisse aussi en son temps, et que tu n’aies pas plus tard, indigent, à mendier à la porte d’autrui » – Hésiode / Les Travaux et les Jours
De son côté, Marcel Kienné de Mongeot (1897-1977), un des pères fondateurs du naturisme en France, nous montre une piste à explorer. Celle des gymnosophes :
« Je ne suis ni naturiste ni encore moins nudiste, mais terme que j’ai lancé et qui semble prendre beaucoup : gymnosophe. C’est-à-dire sage vivant nu, recherchant la vérité et luttant contre tout ce qui est néfaste à l’homme, physiquement et moralement… » – (Kienné de Mongeot, 1952)
D’autres marqueurs peuvent aussi être recherchés, parmi lesquels le rapport au corps et à la nudité bien-sûr ; mais aussi l’hygiénisme et ses sources ; les pratiques sportives et le thermalisme ; la façon de s’alimenter et le végétarisme ; les rapports éthiques et moraux entre l’homme, l’animal et la nature ; les rapports humains et notamment l’égalité entre les femmes et les hommes, ou plus généralement le respect d’autrui sans discriminations d’aucune sorte ; le pacifisme ; bref, tout ce qui constitue l’ensemble des valeurs portées aujourd’hui par le naturisme et que l’on retrouve synthétisées dans sa définition internationale.
Alors allons-y et cheminons ensemble dans cette épopée philosophique…
[/et_pb_accordion_item][et_pb_accordion_item title= »II. LE NATURISME ENTRE DEUX GRANDES FAMILLES DE PENSÉE – IDÉALISME ET MATÉRIALISME » _builder_version= »4.13.1″ _module_preset= »default » global_colors_info= »{} » open= »off »]
« il n’y a que les peuples barbares pour croire que la vue d’un homme nu est un spectacle honteux et affreux » – Platon
La philosophie nous dit-on, est née des courants de l’Antiquité grecque qui a connu trois périodes :
- les penseurs présocratiques, entre le milieu du VIIe et le Ve siècle avant J.-C., comme Thalès, Anaximandre, Pythagore, Héraclite, Parménide, Anaxagore, Empédocle, Zénon, Leucippe et Démocrite (même si ces deux derniers sont nés après Socrate et morts 30 ans plus tard…), que l’on considère comme les fondateurs de la philosophie occidentale ;
- la philosophie grecque classique, (au Ve et IVe siècle avant J.-C.), qui fleurit à Athènes, d’abord avec Socrate, puis avec son disciple Platon et avec l’élève de ce dernier, Aristote, ainsi que les quatre écoles dites « socratiques » (Cyniques, Cyrénaïques, Mégariques et d’Élis) ;
- la philosophie hellénistique, (après la mort d’Alexandre le Grand, en 323 av. J.-C.), qui comprend trois écoles principales : l’Épicurisme, le Stoïcisme et le Scepticisme.
Michel Onfray nous rappelle cependant, dans sa Contre-histoire de la philosophie que la philosophie grecque n’est pas que platonicienne. « Platon, c’est la préférence à l’Idéal et le rejet du réel matérialiste. D’où ses inimitiés avec les autres. L’idéalisme, en faisant prendre les vessies mythologiques pour des lanternes philosophiques , interdit de penser le monde tel qu’il est, nous projetant dans un arrière-monde inventé. Le Phédon de Platon nous enseigne l’immortalité de l’âme, elle-même constituée d’un subtil mélange de terre, d’eau, de feu et d’air. Il déconseille les plaisirs, prône une vie austère. La récompense viendra après. Pourtant, Démocrite parlait déjà d’atomes et Épicure peaufinera sa théorie. Avec Lucrèce, on s’approche de l’athéisme. Saint Augustin prendra beaucoup plus tard le sillon de Platon, sur la haine du corps, des plaisirs, des désirs et l’excellence de la mort, thanatophilie paulinienne de rigueur (saint-Paul ou Paul de Tarse). Le matérialisme, étouffé, ne refera jamais vraiment surface et son corollaire l’hédonisme sera mal vu dans l’ordinaire ».
Michel Onfray, nous donne ainsi des clefs de compréhension de cette histoire philosophique et du « match entre deux grandes tendances : l’idéaliste et la matérialiste. D’un côté Leucippe, Démocrite, Aristippe, Diogène, Épicure, Lucrèce, Horace, etc. De l’autre, leurs contemporains, Pythagore, Parménide, Cléanthe, Chrysipppe, Platon, Marc Aurèle, Sénèque, etc. : atomistes, monistes abdéritains, matérialistes et hédonistes contre idéalistes, dualistes, éléates, spiritualistes et tenant de la ligne ascétique. »
« Les seconds sont sortis vainqueurs et ce sont eux qui ont écrit l’histoire… peu crédible » nous dit-il. Mais, précise-t-il, « c’est aussi en lisant leurs détracteurs (des vaincus) qu’on a pu imaginer qui étaient ces philosophes que le temps a écarté ».